1-From The Abyss 1.17
2-Omen 2.35
3-Small Human Figure 3.39
4-Ideal 1.41
5-In The Flowing Waters 2.55
6-Crossroad 2.22
7-Yellow Dream 2.30
7-Ruins 3.43
8-Yelling 2.48
9-Call From The Water 3.24
10-Prisoner 8.43
11-Narcotic 2.54
12-Blue Sky 3.23*

*Interprété par Shikao Suga

Musique  composée par:

Kenji Kawai

Editeur:

Kitty Records
UMCK-1087

Album produit par:
Kenji Kawai

Artwork and pictures (c) 2002 Kitty Records. All rights reserved.

Note: ***1/2
DARK WATER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Kenji Kawai
Fort de son succès inattendu sur 'Ringu' en 1998, le réalisateur japonais Hideo Nakata décida de retourner en 2002 dans le genre qui fit sa réputation, le film d'épouvante. 'Honogurai mizu no soko kara' (Dark Water) nous permet ainsi de retrouver une ambiance de mystère et d'angoisse très proche de 'Ringu' dans un film finalement guère différent du classique de Nakata. Dans 'Dark Water', une femme, Yoshimi Matsubara (Hitomi Kuroki), emménage avec sa petite fille de 6 ans, Ikuko (Rio Kanno), dans un vieil appartement un peu sinistre. Tout va pour le mieux, tandis que la mère essaie de retrouver un emploi et une situation stable, jusqu'au jour où elle découvre avec effroi que de l'eau coule mystérieux du plafond, comme s'il y avait une fuite à l'étage du dessus. Après avoir tenté en vain de signaler la fuite au concierge de l'immeuble, Yoshimi va commencer à s'inquiéter pour cette fuite qui ne cesse de s'agrandir jour après jour. Au même moment, Yoshimi apprend la disparition d'une petite fillette qui habitait autrefois à l'étage du dessus et que sa mère aurait apparemment abandonné. La fillette, qui traîne dans l'immeuble sous la forme d'un fantôme, s'amuse à laisser derrière elle un petit sac rouge qui change constamment de place. Terrifiée, la mère ne sait plus quoi faire, surtout lorsque le fantôme commence à s'intéresser à son tour à la petite Ikuko.

On retrouve ici la formule de 'Ringu', à savoir que le réalisateur maintient une atmosphère d'angoisse lourde mais que par la suggestion et sans aucun effets spéciaux. Ici, pas de gore ni d'effusions de sang. En ce sens, 'Dark Water' est une sorte de variation plus agitée de 'Ringu', à tel point que l'on pourrait d'ailleurs reprocher au réalisateur d'avoir absolument tenu à renouer avec le succès de 'Ringu' en faisant un film très similaire, même dans le scénario et la mise en scène. Ceci étant dit, l'ensemble demeure très convaincant, Nakata maîtrisant pleinement son sujet. Le film reste captivant et conserve malgré tout cette lenteur qui était si étonnante dans 'Ringu'. Ici, la lenteur n'est qu'un prétexte à une montée de la tension et d'un certain sentiment de claustrophobie angoissée se concrétisant en un parfait malaise grandissant. Le mystère entourant la tâche d'eau du plafond est une excellente idée que le réalisateur a sut assumer avec brio jusqu'au bout. Reste que si vous avez aimé 'Ringu', vous apprécierez certainement 'Dark Water', tant la ressemblance entre les deux films est assez frappante.

'Dark Water' marque la cinquième collaboration entre Nakata et Kenji Kawai, compositeur toujours aussi inspiré lorsqu'il s'agit de créer des ambiances musicales particulières pour un film de ce genre. A l'instar du film lui-même, le score de 'Dark Water' n'est pas très différent de celui des deux 'Ringu', à savoir que l'on y retrouve les ambiances suffocantes, les atmosphères macabres et un suspense teinté de mystère, d'angoisse, de malaise et d'inquiétude. Comme d'habitude, Kawai arrive à créer tout cela en expérimentant à partir d'une base sonore inventive, même si l'on sent clairement ici les recettes de 'Ringu'. Ainsi, l'ouverture du film, 'From The Abyss', est très représentative de l'ambiance recherchée par Kawai durant tout le film: à l'aide du synthétiseur et de quelques sonorités acoustiques telles que le waterphone (instrument constitué de longues tiges de métal de longueurs différentes reliées à un socle contenant de l'eau, et qui, une fois frottées par un archet, produisent un son métallique et cristallin très particulier suivant la longueur des tiges), un instrument que Kawai avait déjà utilisé dans sa musique pour les deux opus de 'Ringu', Kawai annonce clairement la descente aux enfers de Yoshimi Matsubara et de Ikuko. Le fait même que le morceau s'intitule 'From The Abyss' annonce déjà le côté obscur du film. On notera ici l'utilisation de ces sons électroniques métalliques qui semblent résonner dans les profondeurs et qui, couplées avec des voix fantomatiques samplées et les sonorités stridentes du waterphone, crée un climat d'obscurité typique du côté expérimental de Kenji Kawai. Cette idée se prolonge dans le sombre 'Omen', qui annonce quelque chose de maléfique lorsque Yoshimi découvre les tâches d'eau au plafond. Dans le film, la musique n'intervient que par segments, de manière très morcelée. On pourrait reprocher au réalisateur de n'inclure pratiquement jamais les morceaux dans leurs versions complètes, mais au final, le résultat n'en reste pas moins très efficace à l'écran.

On pourra apprécier l'utilisation du choeur samplé dans 'Small Human Figure' qui décrit les premières scènes où Yoshimi voit apparaître furtivement le fantôme de la fillette dans l'immeuble. L'atmosphère se veut ici encore plus irréelle, avec ses tenues de synthé sombres et ces voix samplées particulièrement inquiétantes (sans aucun doute l'un des éléments les plus forts du score de 'Dark Water'). La dernière partie du morceau se veut plus terrifiante, lorsque Kawai décide d'avoir recours à des tremolos de cordes qui suggèrent l'angoisse de la mère. Pourtant, cette atmosphère pesante et cauchemardesque qui intervient dans les moments les plus forts du film n'empêche pas le compositeur d'inclure quelques notes plus mélodiques comme c'est le cas dans le très typé 'Ideal', pièce pour piano et synthé new-age typique du talent de mélodiste de Kenji Kawai. Le compositeur nous délivre ici un petit thème plus mélancolique et rêveur que l'on associera par la suite à Yoshimi et Ikuko et qui apporte une touche plus dramatique au film. A l'écoute de 'Ideal', on pourrait penser que Kawai a cherché à décrire l'idée que la mère cherche à vivre en paix et à protéger sa fillette, mais plus tard, on comprendra que la pièce est orientée vers une optique plus triste lorsque l'on découvre la révélation finale. Cette intervention plus mélodique n'empêche bien évidemment pas le compositeur de replonger très rapidement en enfer avec le ténébreux et hanté 'In The Flowing Waters' avec ses voix fantomatiques, ces sons stridents de waterphone associés à l'eau (synonyme de malédiction ici) et ces sonorités électroniques angoissantes où Kawai s'amuse aussi à glisser quelques éléments de distorsion particulièrement flippant, renforçant le sentiment de malaise du score.

Si la musique se veut relativement discrète dans le film (il n'y a aucun effet de sursauts ou des accès de terreur subite), c'est pour mieux accentuer l'idée sous-jacente de l'angoisse et non de la peur. La peur est un sentiment beaucoup plus terre-à-terre que l'angoisse, qui est la crainte du néant, le plus haut degré de la peur. Il était donc parfaitement évident que Kenji Kawai ne pourrait pas illustrer le sentiment d'angoisse à l'aide d'effets musicaux trop matériels, trop terre-à-terre, d'autant qu'il est aussi question de fantôme et de surnaturel dans ce film. C'est en partie pour cette raison que la musique se veut à la fois si profonde et si discrète dans le film. Une pièce comme 'Yellow Dream' est parfaitement représentative de ce climat de malédiction associé au fantôme de la fillette dans le film, en particulier avec ces 4 sons métalliques qui résonnent tout au long du morceau afin d'évoquer le fantôme dans un climat plutôt lointain et glauque à souhait - on comprendra plus tard que ces 4 sons métalliques pourraient aussi être comparés au réservoir d'eau métallique que l'on voit au milieu du film, sur le toit de l'immeuble, et qui prendra une certaine importance à la fin de l'histoire. Dans la continuité de cette atmosphère à la fois répétitive, macabre et très envoûtante, 'Ruins' se distingue par son effet de bourdonnement grave très inquiétant et l'utilisation de cordes qui suggèrent toujours la tension et la crainte. L'atmosphère se veut ici plus lourde, plus agitée, illustrer la fuite en avant de la mère, de plus en plus oppressée par ses angoisses et ses hallucinations, qui atteignent leur paroxysme dans 'Yelling' où les cordes dominent sur fond de synthé profond, comme dans 'Call From The Water'.

Finalement, le véritable morceau de terreur pure pourrait être l'agité 'Prisoner', avec ses incessants traits de cordes répétitifs et ces tenues de synthé lointaines et angoissantes agrémentées de quelques percussions discrètes. Kawai continue de créer un climat surnaturel particulièrement saisissant dans le film, sauf qu'ici, il est question de la rencontre finale entre le fantôme et Yoshimi et Ikuko. Si l'on voulait simplifier, on pourrait donc penser que l'élément humain (les cordes) est associé à la mère et sa fillette, et les éléments cristallins et synthétiques au fantôme. En tout cas, ce long morceau de plus de 8 minutes décrit avec brio le point d'orgue de terreur du film, accentué par l'apparition d'effets de cordes particulièrement saisissants (scène dans l'ascenseur). La dernière partie du morceau marque finalement le retour de l'élément mélodique aux cordes avec batterie pop lorsque Yoshimi se retrouve réunie avec le fantôme (il s'agit de la meilleure scène du film, car elle est à la fois horrifiante et poignante dans ce qu'elle cherche à représenter), mettant définitivement fin au climat angoissé du score sur une touche plus poignante et émouvante dans le film, Kawai reprenant pour la conclusion du film le thème mélancolique de 'Ideal' dans 'Narcotic' (lorsque Ikuko, devenue adolescente, retourne voir sa mère), débouchant sur la traditionnelle chanson pop japonaise du film ('Blue Sky') interprétée par Shikao Suga.

Si vous avez adoré l'ambiance obscure et envoûtante de 'Ringu' et 'Ringu 2', il ne fait aucun doute que le nouveau score de Kenji Kawai pour 'Dark Water' saura vous convaincre amplement de par son atmosphère pesante et cauchemardesque et son inventivité sonore. On pourra peut-être reprocher au compositeur d'avoir voulu recycler les recettes des deux 'Ringu' (même critique pour Hideo Nakata), mais devant la qualité du travail accompli, on ne peut que féliciter le compositeur nippon qui, bien qu'il ne signe pas là son plus grand chef-d'oeuvre, nous livre un travail assez inspiré et parfaitement intégré au film de Nakata, auquel le score apporte une touche de mystère, de malaise, d'angoisse et de tension incomparable. Une atmosphère musicale sombrement hantée pour un film d'épouvante tout aussi hanté!


---Quentin Billard