1-Libera Me 2.47
2-Born To Darkness Part I 3.04
3-Lestat's Tarantella 0.46
4-Madeleine's Lament 3.06
5-Claudia's Allegro Agitato 4.46
6-Escape To Paris 3.09
7-Marche Funèbre 1.50
8-Lestat's Recitative 3.39
9-Santiago's Waltz 0.37
10-Théâtre des Vampires 1.18
11-Armand's Seduction 1.51
12-Plantation Pyre 1.59
13-Forgotten Lore 0.31
14-Scent of Death 1.40
15-Abduction & Absolution 4.42
16-Armand Rescues Louis 2.07
17-Louis' Revenge 2.36
18-Born To Darkness Part II 1.11
19-Sympathy For The Devil 7.35*

*Interprété par Guns N' Roses.

Musique  composée par:

Elliot Goldenthal

Editeur:

Geffen Records
GED 24719

Musique Produite par:
Matthias Gohl
Musique éléctronique
produite par:
Richard Martinez
Monteur de la musique:
Ken Wannberg
Monteur de la bande originale:
Todd Kasow
"Sympathy For The Devil"
Performed by: Guns N' Roses.
Written by:
Mick Jagger, Keith Richards

Artwork and pictures (c) 1994 Geffen Pictures & Geffen Records. All rights reserved.

Note: ****
INTERVIEW WITH THE VAMPIRE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Elliot Goldenthal
Superbe adaptation du best-seller de Anne Rice, 'Interview With The Vampire' (Entretien avec un vampire) est un conte tragique et obscur sur l'histoire d'un vampire tourmenté qui vit encore avec ses passions humaines. Ce chef-d'oeuvre baroque et romantique met en scène l'excellent Brad Pitt dans le rôle de Louis, maître d'une plantation de la Nouvelle-Orléans qui n'arrive pas à se consoler de la mort de sa femme. Alors qu'il veut en finir avec la vie une bonne fois pour toute, un vampire du nom de Lestat (Tom Cruise) le mord et le transforme à son tour en vampire. Condamné à errer sur terre pour l'éternité, Louis n'accepte pas sa nouvelle existence et refuse les enseignements de l'espiègle et sinistre Lestat. Ce dernier tente de lui apprendre à savourer le goût du sang humain, mais Louis, qui a conservé en lui des vestiges de son âme humaine, préfère se nourrir du sang des animaux plutôt que de prendre des vies humaines. Lestat, à bout de nerf, ne sait plus quoi faire pour le convaincre d'accepter sa nouvelle existence de vampire. Un soir, Louis découvre Claudia (excellente Kirsten Dunst), une petite fille pleurant aux pieds de sa mère, morte de la peste. Il la mord, Lestat lui offrant alors son sang pour faire d'elle une vampire. Lestat se charge alors d'éduquer l'innocente fillette et de l'initier au plaisir du sang. Mais très rapidement, elle va se retourner contre lui et se prendre d'affection pour Louis. Entre eux naîtra très vite une relation amoureuse étrange. C'est Louis qui raconte cette sombre histoire à un journaliste du nom de Malloy (Christian Slater), persuadé de tenir là un scoop. Louis lui racontera aussi son voyage à Paris, la mort tragique de Claudia, sa confrontation avec le théâtre des vampires et ses retrouvailles plus tardives, au 20ème siècle, avec un Lestat méconnaissable, errant seul dans l'ombre.

'Interview With The Vampire' est un film dur et fort, qui nous offre une vision neuve sur le thème des vampires, loin des clichés habituels des dagues en argent, des pieux dans le coeur, des crucifix, de l'ail et de l'eau bénite. Ici, le héros est un vampire tourmenté qui souffre, aime et erre, comme la plupart des êtres humains vivant sur cette terre. De par sa performance remarquable, Brad Pitt offre ici une dimension romantique à son personnage de vampire, un héros tourmenté que n'aurait pas renié Lord Byron lui-même. En s'inspirant assez fidèlement du fameux roman d'Anne Rice, Neil Jordan nous offre une vision noire et tragique de cette histoire de vampires, racontée sur un ton et une esthétique très littéraire. On ne pourra qu'adhérer aux superbes performances de Tom Cruise (à noter que le rôle de Lestat était prévu à l'origine pour Rutger Hauer) et de Kirsten Dunst, seulement âgée de 12 ans à l'époque où elle tourne ce film. Pour une actrice aussi jeune, ce n'était pas un rôle facile (il y avait aussi la fameuse scène du baiser avec Brad Pitt). 'Interview With The Vampire' est un film poignant, qui entraîne le héros jusqu'aux régions les plus noires de son existence, condamné à vivre une éternelle vie de souffrance sur terre, jusqu'à ce qu'il perde enfin tout ce qui reste de son humanité enfouie au plus profond de lui. Un film dur et fort, sans aucun doute l'une des plus belles réalisations de Neil Jordan.

'Interview With The Vampire' marque les débuts de la collaboration Neil Jordan/Elliot Goldenthal, le compositeur ayant écrit là l'une des meilleures partitions pour le cinéma. Goldenthal s'est révélé au public avec 'Alien 3', chef-d'oeuvre resté inégalé jusqu'à ce jour. Avec 'Interview With The Vampire', le musicien poursuit son exploration d'un univers sombre et tourmenté déjà amorcé avec 'Alien 3'. La partition orchestrale de 'Interview With The Vampire' nous plonge très rapidement dans une atmosphère noire et oppressante, où se mêlent tourments et chaos. Le film s'ouvre avec le magnifique 'Libera Me', dans la lignée de l'Agnus Dei d'Alien 3. On retrouve ici ce côté baroque et liturgique à travers l'utilisation d'instrument d'époque, une viole de gambe et un harmonica de verre. Goldenthal évoque le siècle passé dans lequel vivait Louis à son état d'humain. Très vite, un mystérieux choeur d'enfants et un jeune garçon soprano entonnent les paroles latines du 'Libera Me' sur fond de tenues d'harmonica de verre avec quelques notes de viole de gambe exprimant un certain sentiment de désolation. C'est là qu'intervient le thème principal, chanté par le choeur et rejoint par des cordes sombres. Le thème de 'Interview With The Vampire' est la représentation parfaite de l'âme tourmentée de Louis, en quête de repos, de paix. Le choix du 'Libera Me' est plus que judicieux. Goldenthal évoque ici cette quête de paix que recherche Louis tout au long de son voyage mouvementé. Comme l'indiquent les paroles du chant, l'âme de Louis cherche à être libérée, dans un premier temps, de sa vie terrestre, puis, dans un second temps, de son existence d'errance et de souffrance en tant que vampire. Ce poignant 'Libera Me' s'apparente donc à cette quête de la rédemption, une complainte désolée exprimée à Dieu. Voilà une introduction belle et intense, comme on aimerait en entendre plus souvent.

'Born To Darkness Part I' nous permet d'entendre le deuxième thème du score, confié à des cordes sombres et plaintives à la fois. Ce thème évoque l'existence tourmentée de Louis, avec ce côté sombre et raffiné (excellente écriture de cordes) qui résume à lui tout seul le personnage interprété par Brad Pitt. La seconde partie du morceau, nettement plus inquiétante, fait la part belle à quelques obscurs samplers de synthé et des cordes stridentes et macabres, sorties tout droit d'Alien 3. Goldenthal annonce ici le côté plus cauchemardesque et horrifique de sa partition pour la séquence où Lestat mord Louis. A noter que le thème du 'Libera Me' est entendu brièvement aux cordes. Cette présence du thème n'est pas anodine. Quelque part, elle répond à l'appel de Louis qui recherche désespérément quelqu'un qui pourra l'aider à quitter ce monde de douleurs et de souffrances. Des cuivres plus chaotiques (rappelant aussi fortement les effets orchestraux d'Alien 3) évoquent la transformation de Louis en vampire.

Goldenthal a sut parfaitement représenter le côté espiègle et fou de Lestat. Ainsi, 'Lestat's Tarentella' lui permet d'évoquer le personnage de Tom Cruise avec une bonne dose d'humour noir grinçant, sous la forme d'une petite tarentelle (danse folklorique d'origine italienne). A noter ici l'utilisation du clavecin avec des cordes sombres et sautillantes à la fois, pour la scène où Lestat danse avec un cadavre et se réjouit du fait que Louis ait mordu Claudia. Un thème plus dramatique est entendu dans le tourmenté 'Madeleine's Lament', avec des cordes amples et désolées pour la séquence avec Claudia et Madeleine. Goldenthal nous réserve quelques moments plus chaotiques comme le sombre 'Claudia's Allegro Agitato', superbe pièce orchestrale pleine de fureur, utilisant un petit quatuor à cordes avec un piano. L'écriture du quatuor à cordes, très orienté vers la musique de chambre du 20ème siècle, évoque les 'quatuors' de Ligeti ou certains 'quatuors' plus tardifs de Bartok. Le morceau exprimer quant à lui la fureur de Claudia dans la séquence des poupées, et évoque au passage la haine de Claudia envers Lestat. Après ce passage très agité, Goldenthal nous donne à entendre le très beau thème de Claudia, confié à un piano mélancolique et quelques cordes sombres. Le thème de Claudia évoque le côté à la fois innocent et fragile du personnage, saupoudrée d'une touche de mélancolie. La dernière partie de cet excellent morceau est sans aucun doute l'un des plus sinistres passages du score. Il s'agit de la scène où Claudia offre un cadeau empoisonné à Lestat en lui faisant boire du sang de mort. Goldenthal nous plonge dans l'ambiance avec des battements de coeur inquiétants, quelques sons de souffle humain et un orchestre qui semble ramper dans l'obscurité, faisant très rapidement monter la tension. A noter ici une très sombre reprise du thème de Claudia, évoquant sa soudaine agressivité et sa fureur à l'égard de Lestat. Voilà un passage macabre à souhait comme Goldenthal semble tellement les apprécier, le musicien ayant un certain talent pour dépeindre ce style d'ambiance d'une noirceur extrême qui risque fort de rebuter les néophytes.

Dans un esprit similaire, 'Espace To Paris' évoque la fuite de Louis et Claudia vers Paris, après avoir fait brûler Lestat. Goldenthal débute le morceau de façon extrêmement chaotique (on pense ici au début du 'Bait and Chase' de 'Alien 3'. La séquence où Lestat s'enflamme est accompagnée par une écriture de piano/clavecin avec violons et orchestre assez étrange. Ce nouvel 'allegro agitato' chaotique dépeint la violence de la scène comme Goldenthal sait si bien le faire. A noter ici l'utilisation de cuivres particulièrement imposants, le compositeur n'hésitant pas à faire hurler ses cors dans l'aigu, une technique instrumentale déjà utilisée dans 'Alien 3'. Le thème de cordes de 'Born To Darkness' revient pour accompagner le voyage de Louis et Claudia vers Paris.

L'humour noir de certains passages du score se retrouve dans le bref 'Lestat's Recitative', petite pièce pour clavecin et violoncelle dans la lignée des œuvres pour clavecin de François Couperin. Goldenthal nous propose ici une très intéressante reprise du thème principal dans un duo clavecin/viole de gambe, les cordes graves amplifiant le thème pour lui donner une tournure encore plus inquiétante. On retrouve cet humour noir dans 'Santiago's Waltz', pour la rencontre entre Santiago (Stephen Rea) et Louis à Paris, petite valse espiègle confiée à un violon, le piano et l'orchestre. A noter l'utilisation de la viole de gambe dans 'Armand's Seduction', lorsque Louis rencontre Armand (Antonio Banderas) au théâtre des vampires.

Comme dit auparavant, c'est une atmosphère obscure et cauchemardesque qui domine ici la majeure partie du score de 'Interview With The Vampire'. 'Plantation Pyre' est ainsi très représentatif de cette ambiance noire et sans issue, dans lequel les différents instruments de l'orchestre s'unissent dans une évocation du chaos (scène où la plantation de Louis brûle) comme Goldenthal sait si bien l'exprimer (à noter cette utilisation très caractéristique de trémolos de cors dans l'aigu). 'Scent of Death' impose une atmosphère suffocante et pesante par le biais de l'excellente utilisation d'une clarinette basse qui semble ramper dans l'obscurité. Ceci est d'autant plus astucieux qu'il s'agit de la séquence où Louis retrouve Lestat, se cachant dans l'obscurité. La clarinette basse évoquerait alors ici le personnage de Lestat et de cette odeur de mort que ressent Louis en se baladant un soir, en ville. L'utilisation de cette clarinette basse menaçante n'a rien de neuf chez Goldenthal, puisque ce dernier l'a repris de son morceau 'The First Attack' d'Alien 3.

L'album nous réserve quelques-uns uns des morceaux les plus agités du score. 'Abduction & Absolution' commence de manière déchaînée sur un rythme frénétique de cuivres enragés. Il évoque la scène où les vampires du théâtre capturent Madeleine et Claudia et enferment Louis dans un cercueil. Comme d'habitude, Goldenthal se montre assez inventif dans l'utilisation de ces instruments, n'hésitant pas à repousser les limites du jeu des instrumentistes pour produire des effets inhabituels voire inédits. La deuxième partie du morceau est plus tragique. Elle nous permet de réentendre le magnifique 'Libera Me' du générique de début, lors de la scène de la mort de Madeleine et Claudia. Le thème revient ici pour exprimer la souffrance de Louis, cet ultime sentiment de douleur qui lui fera permettre à tout jamais sa part d'humanité qu'il avait conservé en lui. Le morceau possède ce côté poignant qui nous rappelle que 'Interview With The Vampire' est avant tout un conte tragique, celle d'un vampire tourmenté par ses passions humaines.

Le chaos continue avec le déchaîné 'Armand Rescue Louis' et trouve son point culminant dans l'excitant 'Louis'Revenge', scène où Louis se venge des vampires du théâtre d'Armand et affronte Santiago. Goldenthal évoque avec fureur la détermination de Louis à détruire le théâtre des vampires. Pour cela, il installe une rythmique pesante et très marquée, avec des percussions métalliques, des cuivres dissonants et percussifs et des cordes sombres et tendues. Il s'agit du dernier grand déchaînement orchestral du score, où l'on retrouve le motif de cuivres chaotiques du début de 'Abduction & Absolution'. L'histoire trouve une conclusion plus calme avec le retour du thème de cordes dans 'Born To Darkness Part II'. On sent ici une certaine évolution par rapport à la première partie, puisque le thème est transposé ici un octave au-dessus. Est-ce une coïncidence? Certainement pas, car, quelque part, cela voudrait signifier que cet être, né des ténèbres, a changé depuis le début de son aventure initiatique.

'Interview With The Vampire' fait partie de ces scores puissants qui dépassent tout ce que les paroles peuvent exprimer. Il fait partie de ces partitions qui doivent être écoutée avec attention, tant elle recèle d'une multitude de détails et de différents motifs parfaitement étalés à travers tout le film. Elliot Goldenthal s'impose, après 'Alien 3', comme l'un des nouveaux grands compositeurs hollywoodiens, avec un style avant-gardiste inventif et prenant, à réserver en priorité aux connaisseurs et à ceux qui apprécient la folie orchestrale du compositeur. Mais la plus grande réussite du score est d'avoir réussi à exprimer tous les sentiments forts du film: la passion, le tourment, la souffrance, la trahison, l'angoisse, la rédemption, etc. la musique de Goldenthal épouse à merveille le ton sombre et tragique du superbe film de Neil Jordan et s'impose comme l'une des partitions incontournables de Goldenthal. Même si 'Interview With The Vampire' n'atteint pas les sommets d'Alien 3, à qui la partition de Goldenthal doit beaucoup, elle n'en demeure pas moins une superbe composition symphonique dans lequel le compositeur nous prouve sa passion pour son art et son inventivité qui font de lui un musicien réellement passionnant. Un excellent score à découvrir, si ce n'est pas déjà fait!


---Quentin Billard