Musique  composée par:

Kenji Kawai

Editeur:

Warner Bros
WPCV10006

Réalisateur:
Hideo Nakata
Genre:
Horreur/Thriller
Avec:
Nanako Matsushima,
Miki Nakatani,
Hiroyuki Sanada.


Note: ***
RINGU
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Kenji Kawai
Succès inattendu en 1998, 'Ringu' d'Hideo Nakata a permit de relancer le cinéma d'épouvante japonais à cette époque, le film ayant été suivi de deux suites et d'un remake U.S. (on parle déjà d'un 'Ring 2' aux Etats-Unis). Ce qui fait l'originalité de 'Ringu', c'est avant tout la qualité de la mise en scène, lente et sobre, qui, plutôt que de montrer des effets sanguinolents ou du gore traditionnel, préfère privilégier une atmosphère plutôt lente et monotone, dans laquelle l'angoisse monte progressivement à partir d'une intrigue peu banale: une cassette vidéo maudite. Ceux qui la regardent meurent dans les sept jours qui suivent, toujours de la même façon. Un coup de téléphone retentit et ils meurent ou, s'ils ne sont pas près d'un téléphone, quelque chose vient les terroriser, les tuant net sur le coup. Une jeune journaliste nommée Reiko Asakawa (Nanako Matsushima) décide alors d'enquêter sur des morts mystérieuses survenues dans des conditions étranges. Alors que sa propre nièce Tomoko (Yuko Takeuchi) ait récemment décédé dans des conditions similaires, Reiko finit par apprendre les histoires à propos d'une cassette vidéo maudite qui tuent tout ceux qui l'ont vus exactement une semaine après (il s'agit d'une espèce de légende urbaine sans vraiment en être une). Après avoir obtenu la cassette, Reiko décide de la regarder à son tour et sait déjà qu'elle mourra dans 7 jours si elle ne fait rien pour l'en empêcher. Avec l'aide de son ex-mari, Ryuji (Hiroyuki Sanada), qui a aussi regardé la cassette vidéo, Reiko continue de mener son enquête et cherche à en savoir plus sur la fille que l'on aperçoit dans la vidéo. Le puits que l'on aperçoit au début et à la fin de la vidéo semble à son tour cacher un bien sinistre secret. Finalement, Reiko et Ryuji se lancent dans une course contre la montre pour sauver leur vie, en se rendant sur une île où est survenu un accident tragique il y a plus de 30 ans, et qui pourrait être à l'origine de la malédiction de la cassette vidéo.

Surprenant, le scénario cache son lot de mystère et de frisson à travers l'intrigue d'une cassette tueuse, un élément inédit dans le cinéma horrifique japonais (on pense quand même par moment au 'Videodrome' de David Cronenberg). Nakata sait parfaitement entretenir le suspense et la tension, et même si sa mise en scène paraît parfois très monotone et ennuyeuse, c'est pour mieux nous faire sursauter dans les moments chocs du film, surtout lors des 10 dernières minutes du film. Le reste appartient à l'histoire. 'Ringu' est devenu l'un des plus gros succès du cinéma japonais en 1998, nouvelle pierre de lance d'un cinéma d'horreur nippon qui s'est renouvelé et qui a sut tirer parti de la formidable 'leçon' cinématographique de Nakata (et ce malgré quelques défauts comme un traitement des personnages assez inexistant). Certes, pour un film d'horreur, 'Ringu' ne paie peut-être pas de mine comme cela, mais l'effet souhaité par le compositeur est très réussi, de même que le réalisateur se paie même le luxe de nous sensibiliser à l'idée quasi cynique de la relation entre le spectateur et les images fascinantes et parfois malsaines qu'on lui donne à voir. On se laisse parfaitement emporter par ce malaise grandissant et cette angoisse qui règne tout au long du film.

La musique de Kenji Kawai est sans aucun doute l'un des éléments forts de la mise en scène de Nakata dans 'Ringu'. Un peu comme dans le futur 'Dark Water' (2002), la musique de 'Ringu' n'intervient ici que par fragments très morcelés. Kawai nous dévoile ici son côté plus expérimental en ayant recours à des sonorités étranges mélangeant cordes, synthétiseurs, sons cristallins, sons stridents obtenus en grattant le bas du chevalet d'un violon avec l'archet (une sonorité parfaitement associée aux méfaits horrifiques de Sadako). Ainsi, Kawai s'amuse à glisser quelques éléments de musique concrète et abstraite, même si ces éléments sont bien souvent noyés sous des tas d'effets électroniques ambiants. La musique reste discrète mais néanmoins présente, discrète puisque Kawai n'a écrit qu'une quinzaine de minutes de musique pour le film. C'est l'utilisation de voix samplées avec les effets électroniques glauques qui s'imposent dès le générique de début et qui annoncent déjà le style de 'Dark Water'. Kawai installe très vite cette ambiance de hantise véhiculée par ces clusters de synthé et quelques cordes ambiantes.

Le caractère étrange et profond des différentes sonorités du score nous renvoie clairement à la menace de la cassette maudite. Ainsi, lorsque la musique apparaît subitement dans le film, c'est toujours dans un souci de faire sursauter le spectateur ou de mieux suggérer l'angoisse par le biais de l'étrange et sinistre musique de Kenji Kawai. Il n'y a pas de thème à proprement parler même si le compositeur nous réserve quelques moments plus mélodiques. Finalement, après une longue montée de tension et d'angoisse, la musique se distingue finalement lors du final avec un ultime moment de terreur, personnifié par un véritable chaos sonore incluant des cordes dissonantes, des effets de frottements sinistres et des effets électroniques en tout genre lorsque l'inquiétante Sadako commet son ultime méfait en sortant de l'écran de télévision de Ryuji.

Moins captivante que la musique de 'Ringu 2', ce premier opus signé Kenji Kawai nous démontre avec brio le talent d'expérimentation du compositeur japonais, qui, grâce à Hideo Nakata, a enfin eu l'occasion d'expérimenter sur un film d'horreur en nous livrant un score macabre et chaotique où la masse sonore est en constante ébullition afin de suggérer l'horreur grandissante de la malédiction. L'effet est assuré à l'écran, et malgré la très courte durée du score (seulement 15 minutes sur 1h30 de film!), la partition expérimentale de Kenji Kawai reste l'un des éléments clé indissociable du film. Voilà donc un score sinistre et plutôt difficile d'accès, à réserver surtout aux fans pur et dur de Kenji Kawai et à tous ceux qui s'intéressent à ses travaux plus expérimentaux pour les films d'épouvante d'Hideo Nakata!


---Quentin Billard