Jim Dooley : membre de la famille M-V.
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Bonjour Mr. Dooley. Vous travaillez actuellement à Media-Ventures, le studio fondé par Hans Zimmer et Jay Rifkin en 1989, en tant que compositeur, arrangeur et ingénieur en chef. Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet de vos bagages musicaux, et comment vous en êtes arrivé à travailler pour Hans Zimmer à Media-Ventures?

J’ai reçu un appel peu après mes études à l’USC dans le cadre de leur programme de composition pour le cinéma. L’ingénieur avec lequel j’ai travaillé à l’époque de mes compositions pour des films étudiants me recommanda pour le poste récemment crée de technicien en chef pour Hans Zimmer. J’avais aussi un ami qui travaillait là bas et qui m’appuya. J’ai passé un entretien et j’ai certainement du dire quelque chose de bien puisque j’ai été immédiatement engagé à titre expérimental. Le reste appartient à l’histoire.


Vous avez commencé à travailler sur des courts-métrages comme ‘Bit Players’ (2000) ou ‘Agua Dulce’ (2001), et le petit film de science-fiction ‘Area 52’. Toutes ces bandes originales ont en commun une même utilisation des samples bien connus utilisés par les compositeurs de Media-Ventures. Comment avez-vous été introduit à toute cette technologie musicale moderne?

En fait, le score de ‘Bit Players’ a été enregistré avec un vrai orchestre de jazz. Il y a quelques morceaux qui contiennent des samples. J’ai eu le privilège de regarder Hans Zimmer écrire la musique de ‘Gladiator’. J’ai été très impressionné par le niveau de complexité et de finesse investie dans le processus de composition au studio. Cette technologie est utilisée pour donner aux réalisateurs et aux producteurs des films le point de vue le plus réaliste possible sur la façon dont va sonner leur score et possède un avantage inhérent dans l’industrie du cinéma.


En 2001, vous signez votre première musique additionnelle pour le score de ‘Black Hawk Down’ (La chute du faucon noir) de Hans Zimmer, travaillant avec d’autres compositeurs de Media-Ventures tels que Jeff Rona, Mel Wesson et Heitor Pereira. Pourriez-vous nous parler de ce travail sur cette partition? Est-ce que ce type de collaboration est difficile pour un compositeur et comment réussissez-vous à écrire votre musique ensemble, avec tous vos collègues?

BHD a été une expérience extraordinaire pour moi. A l’origine, j’orchestrais et mettais en place des idées que m’avait donné Hans, et travailler avec toutes ces personnes talentueuses sur ce score aura été une grande leçon d’efficacité et de créativité. Le processus de composition est difficile en particulier à cause des contraintes de temps impartis. Tout le monde sur le projet avait quelque chose d’unique à offrir, ainsi nous étions tout le temps en train de fournir du matériel afin que chacun puisse y trouver son compte, et je pense que cela s’entend dans le score.


En complément de cette question, quels sont vos rapports avec Hans Zimmer? Qu’est-ce que cela fait d’être membre d’une aussi grande équipe?

Travailler au studio est la plus grande chose qui me soit arrivé. C’est comme n’importe quelle relation à la différence que nous travaillons parfois ensemble et parfois chacun de notre côté. Suivre ensemble ou à part des chemins musicaux est une très enrichissante expérience créative. C’est la façon la plus intense et la plus rapide pour apprendre la musique et la composition pour le cinéma.


Vous avez continué à écrire de la musique additionnelle pour une autre BO de Hans Zimmer, ‘Spirit: Stallion of the Cimarron’. Pourquoi n’avez-vous pas été crédité? Combien de minutes de musique avez vous composé pour ce film d’animation?

Je crois que j’étais crédité en tant que ‘Zimmer Band’ ou quelque chose de ce genre. C’était un film important car c’est là où après avoir commencé à travailler en tant que technicien j’ai fini en tant que compositeur freelance. Je ne sais pas précisément combien de musique j’ai écrit pour ce film mais j’ai joué des versions aux claviers pour l’audition live du score au Festival de Cannes avec Hans et Bryan Adams. J’ai écrit une ouverture pour ce concert et je crois que les seules personnes qui l’ont entendues étaient là.


En 2002, vous signez une autre musique additionnelle pour ‘The Ring’, avec Hans Zimmer, Henning Lohner et Martin Tillman, la BO ayant été éditée récemment par Decca Records avec des portions du score de ‘The Ring 2’. Quand vous travaillez sur une musique de Hans Zimmer, quelles sont ses directives? Devez-vous émuler son style musical ou vous laisse t’il un minimum de liberté?

Une bonne partie de la tâche du ‘compositeur additionnel’ est d’étendre la vision du compositeur principal. C’est nécessaire afin de créer un score consistant pour le film. Il y a toujours des opportunités pour mettre un peu de soi-même dans le score au cours de la composition. Par exemple, la scène des chevaux sur le ferry a été écrite sans avoir recours à un matériel musical préexistant du score. Nous avions besoin que les morceaux soient écrits alors je suis arrivé avec quelque chose et cela a fonctionné. Evidemment, il faut que le morceau colle avec l’esprit du reste du score, mais il y a définitivement une partie de moi dans cette BO.


Entre ces gros projets, vous avez signé la musique de courts-métrages et de documentaires, comme ‘Life After War’ (Brian Knappenberger – 2003) ou le court-métrage d’action/comédie ‘Smooth’ (Matt Antell – 2003). Y a t’il quelque chose qui vous attire plus particulièrement dans ce type de film? Quelles sont les différences entre la façon d’oeuvrer sur ces films et ceux de Media-Ventures?

Grâce à mes études au NYU et à l’USC, j’ai beaucoup d’amis réalisateurs. J’aime travailler sur leurs films. Cela nous donne une chance de continuer à travailler ensemble alors que nous suivons tous nos propres chemins. Ces projets sont toujours intéressants et s’avèrent généralement être de vrais challenges. C’est similaire à la façon dont je travaille sur tous mes projets solo en plus de travailler sur de la musique additionnelle durant toute l’année.


En 2003, vous avez écrit la musique additionnelle de ‘Tears of the Sun’ (Les larmes du soleil), un autre score de Hans Zimmer avec Steve Jablonsky, Lisa Gerrard, Martin Tillman et Michael A. Levine. Jablonsky est crédité sur l’album de Varèse Sarabande avec ‘The Jablonsky Variations’. Y a t’il une de vos musiques pour ce film que nous pouvons entendre sur l’album? Quels moments du film avez-vous mis en musique?

C’est un morceau intitulé ‘Cry In Silence’ que j’ai écrit avec Martin Tillman. Cela fait déjà quelque temps et j’aimerais revoir le film pour me souvenir sur quoi j’ai travaillé précisément. A ce sujet, c’est sur ce projet que j’ai collaboré sur la plus grande quantité de musique avec Hans Zimmer.


Vous avez écrit la musique additionnelle de ‘Pirates of the Carribean’ (Pirates des Caraïbes), une grosse BO écrite par quelques uns des compositeurs les plus actifs de Media-Ventures, Klaus Badelt, Ramin Djawadi, Craig Eastman, Nick Glennie-Smith, Steve Jablonsky, Blake Neely, etc. De nombreuses critiques ont reprochés cette façon de travailler avec une équipe aussi large (9 compositeurs sur une même BO de film!) en affirmant qu’avec ‘Pirates of the Carribean’, cette manière de faire gommait toute inventivité, toute originalité et toute forme de personnalité musicale. Quelle est votre opinion sur ce sujet?

Ce sont des critiques faciles de salon! Le score en question a été écrit dans l’urgence à cause du renvoi du précédent compositeur engagé par la production [NDLR: il s’agissait d’Alan Silvestri]. Alors, comment une seule personne pourrait écrire un score d’action ‘Jerry Bruckheimer’ qui soit un vrai challenge pour les compositeurs les plus chevronnés, en moins de la moitié du temps d’un délai déjà fort abrégé? La seule façon pour que ce score obtienne l’attention qu’il mérite, au moment où le film allait sortir dans les temps était d’engager 9 compositeurs. Je connais beaucoup de personnes qui sont fans de ce score, tout comme je le suis moi même. Il ne faut pas oublier que c’est un business et que le film doit sortir comme prévu dans les temps ou tout le monde y perd. Il n’y a pas d’autres options possibles!


Savez-vous pourquoi il n’y a pas eu d’édition officielle du score de ‘Something’s Gotta Give’ – score de Hans Zimmer, pour lequel vous avez écrit de la musique additionnelle?

Je pense qu’il n’y avait pas assez de matériel thématique varié pour pouvoir sortir un CD entier, étant donné qu’il n’y avait qu’un thème central. S’il y avait eu un CD édité, je parie qu’il y aurait eu quelques consommateurs furieux en train de dire que ce n’est pas un très bon album.


Je suppose que travailler sur une comédie romantique comme le film de Nancy Meyer est différent de la composition d’un gros score d’action comme ‘Pirates of the Carribean’?

C’est très différent. La moindre erreur de calcul peut ruiner une scène avec quelque chose d’aussi délicat que ‘Something’s Gotta Give’. Je pense que les comédies romantiques sont les scores les plus durs à faire correctement. La comédie est en général un vrai défi parce qu’une musique drôle ne rend pas forcément une scène peu drôle plus amusante.


En 2005, vous avez écrit une autre musique additionnelle pour ‘The Amityville Horror’ de Steve Jablonsky, produit par Michael Bay. C’est votre première collaboration avec Steve Jablonsky en tant que compositeur principal sur la musique d’un film. Comment avez-vous travaillé avec Jablonsky sur ce film?

J’ai eu quelques jours entre la composition pour ‘Madagascar’ (score de Hans Zimmer) et le jeu vidéo sur Playstation 2 ‘Socom 3: US Navy Seals’. Steve avait un emploi du temps très serré et j’ai fait ce que j’ai pu en deux ou trois jours seulement. C’est un compositeur incroyablement talentueux. Les scènes sur lesquelles j’ai travaillé n’utilisaient pas forcément du matériel emprunté au reste du score...elles avaient besoin d’être méchantes et inquiétantes et je pense avoir atteint mon objectif.


Avec ‘Madagascar’ et ‘Wallace & Gromit: The Curse of the Were-Rabbit’, vous avez successivement écrit de la musique additionnelle pour deux films d’animation. C’est un nouveau type de projet musical pour vous. Qu’est ce qui est différent sur le travail pour la musique d’un film d’animation?

Les films d’animation sont très difficiles. Ils s’étalent généralement sur une longue période parce qu’il y a un story-board crée quelques années avant que nous commencions à composer la musique. Nous essayons de participer le plus tôt possible afin d’éviter certains problèmes vers la fin. C’est un arrangement dans les deux phases de la production. Les choses peuvent arriver bien plus vite dans les films d’animation que dans la vraie vie, c’est pourquoi trouver le bon rythme dans un film avec des personnages animés est un vrai défi. Il ne s’agit pas d’écrire pour un film d’enfant. Les scores de Carl Stalling pour les cartoons de la Warner Bros en sont les meilleurs exemples.


Vous avez récemment composé la musique pour le court-métrage parodique de ‘Madagascar’, ‘A Christmas Caper’ (Les Pingouins de Madagascar dans Mission Noël). Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce score?

Dreamworks a eu l’idée d’ajouter un court-métrage avec les pingouins de Madagascar dans le DVD du film. Tout le monde était d’accord sur le fait que le film était bon, qu’il serait super de le voir sur grand écran. J’ai écris ce score entre deux moments de composition sur ‘Wallace & Gromit’, et je l’ai enregistré avec une vraie formation de big band. Je me suis beaucoup amusé à rendre hommage aux styles d’Elmer Bernstein ou de Lalo Schifrin.


Parmi vos nouveaux projets, vous avez écrit la musique pour le jeu vidéo PS2 ‘Socom 3: Us Navy Seals’ avec un orchestre de 70 musiciens. Les musiques de jeux vidéos semblent être devenues particulièrement populaires ces derniers temps parmi les compositeurs de musique de film. Howard Shore, Graeme Revell, Danny Elfman, Harry Gregson-Williams, tous ces compositeurs ont récemment travaillés sur des BO de jeu vidéo. Il semblerait aujourd’hui que la musique de film et la musique de jeu vidéo aient beaucoup de choses en commun. Qu’est ce qui est différent dans la composition d’une musique de jeu vidéo? Y a t’il quelque chose de particulièrement attractif sur le fait de travailler sur la bande son d’un jeu?

Si l’on compare avec une composition pour un film, une BO de jeu vidéo comme ‘Socom 3: Us Navy Seals’, c’est le jour et la nuit! La plupart des jeux ne sont pas mis en musique comme l’a été ‘Socom 3’, donc, s’il vous plaît, ne pensez pas que je fais une généralité à propos de tous les jeux. ‘Socom 3’ contenait beaucoup de morceaux différents, à peu près 300 si je ne m’abuse. Le but est d’offrir au joueur la sensation que la musique s’adapte en fonction du ‘game-play’ du joueur. Des morceaux spécifiques sont joués durant des moments spécifiques que le joueur crée au fur et à mesure qu’il avance dans le jeu. Ce fut particulièrement difficile et nécessita beaucoup de temps pour tout écrire. J’ai beaucoup apprécié tout le moment que j’ai passé à écrire cette musique et je pense qu’il y a de très bons moments dedans. Nous sommes en ce moment même en train de préparer la bande son et nous allons mettre en place à la fois le score des versions PS2 et PSP avoisinant les 400 morceaux de musique.


Vous avez récemment écrit la musique du documentaire ‘The Mars Underground’ de Scott J. Gill, l’un de vos plus brillants et puissants travaux pour un documentaire. La BO a été récemment éditée et vous vous êtes associé pour l’occasion avec CDBABY.com afin de prélever sur les revenus de la vente des CD des dons adressés à la croix rouge, dans le cadre de l’effort d’aide pour la catastrophe nationale (et plus particulièrement pour la récente catastrophe de la Nouvelle-Orléans). Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet de ce projet musical et de cette collaboration humanitaire?

On m’a demandé de travailler sur ‘Mars Underground’ grâce à un de mes amis de l’USC qui oeuvrait sur la production. Il y avait un budget musique assez faible mais j’ai néanmoins décidé de relever le défi. J’ai écris la musique comme si elle allait être orchestrée et je n’ai fait aucun compromis de quelque façon que ce soit. Je prépare actuellement une suite orchestrale arrangée à partir du score pour un futur proche. Quand Derek Silvers de CDBABY.com m’a demandé si je souhaitais faire des dons à partir des recettes de l’album, j’ai accepté sans hésiter. C’est l’association d’une bonne volonté et d’une bonne musique en même temps. Qu’est ce qui pourrait être mieux que cela?


Vous êtes annoncé sur le thriller dramatique ‘Bone Dry’ de Brett A. Hart. Avez-vous déjà signé pour ce projet? Ce sera votre premier grand projet solo sur un gros long-métrage. Est-ce la fin de vos participations à des musiques additionnelles pour des scores de Media-Ventures?

Je ne dirais pas qu’il s’agit de mon premier effort solo, mais je comprends votre question. J’écris actuellement un score avant celui de ‘Bone Dry’ qui sera mis en musique avant l’année prochaine. J’ai reçu le feu vert de Hans pour participer au score de ‘Pirates of the Carribean 2’. Ce ne sera pas la fin de ma collaboration et de mon entraide avec mes amis pour autant.


Dernière question, quels sont vos compositeurs favoris (en musique de film ou dans tout autre genre musical en général)?

Ces derniers temps j’apprécie particulièrement Prokofiev et Vaughan-Williams. Mes groupes préférés sont les Beatles et RadioHead. J’ai une préférence pour les travaux d’Elmer Bernstein, Christopher Young, Danny Elfman et aussi John Williams.


Merci Mr. Dooley pour m’avoir accordé un peu de votre temps. J’espère que nous pourrons entendre vos nouveaux travaux très prochainement!


Entretien réalisé par Quentin Billard

Traduit de l’anglais par Quentin Billard

Remerciement: Tom Kidd de chez Ray Costa Communications.