Eric Serra
Eric Serra est probablement l’un des compositeurs de musique de film français les plus célèbres de son époque. Né le 9 septembre 1959 à Saint-Mandé, Serra est élevé par son père, un poète chansonnier qui lui apprend la musique durant son enfance. A 5 ans, le jeune Eric apprend la guitare et à 11 ans, il se met à la guitare électrique. Autodidacte de formation, Serra se forme en écoutant les grands de la variété et du rock anglo-saxon. Il imite les plus grands guitaristes et bassistes qu’il admire particulièrement. Serra apprend aussi à jouer de la batterie, de la basse, du piano et du synthétiseur. A 15 ans, le jeune Eric monte son premier groupe, FLEP, qui joue des musiques d’artistes mythiques tels que Led Zeppelin, Deep Purple, Jeff Beck ou Return to Forever. A 16 ans, Eric Serra saisit l’opportunité de travailler avec le chanteur français Michel Murty qu’il accompagne à travers ses tournées, et participe aussi à des albums studio de Mory Kanté ou Didier Lockwood.

C’est en travaillant sur un album de l’acteur Pierre Jolivet qu’Eric Serra fait la connaissance du jeune Luc Besson en 1979. Ce dernier remarqua le talent du jeune Serra et lui demanda d’écrire la musique de son court-métrage « L’Avant Dernier », qui mettait en scène Jolivet. C’est le début d’une longue collaboration artistique entre les deux hommes qui vont se retrouver régulièrement sur plusieurs films. En 1981, Serra rencontre le chanteur Jacques Higelin et joue dans un de ses spectacles donné sur la place de la République à Paris. Serra composera alors pendant plusieurs années plusieurs chansons pour Jacques Higelin. Peu de temps après, le musicien retrouve Luc Besson sur son premier long-métrage pour le cinéma, « Le Dernier Combat », avec Pierre Jolivet et Jean Reno, et qui sort en salles en 1983. Malgré quelques prix dans divers festivals, le film ne parvient pas à rencontrer son public et restera marqué par une brouille entre Luc Besson et Pierre Jolivet pour des questions d’ordre financière. En 1985, Serra signe la musique du deuxième long-métrage de Besson, « Subway », qui réunit un casting français prestigieux : Christophe Lambert, Isabelle Adjani, Richard Bohringer, Michel Galabru, Jean-Hugues Anglade, Jean-Pierre Bacri ou Jean Reno. Le film permet à Serra de décrocher une Victoire de la meilleure musique en 1985 et voit son travail nominé aux Césars la même année – il joue par ailleurs le rôle d’un bassiste dans le film aux côtés du chanteur Arthur Simms – L’album de « Subway » devient disque d’or et assoit la réputation d’Eric Serra au cinéma.

Mais son vrai grand succès, Serra le doit surtout au film suivant de Luc Besson, « Le Grand Bleu », sorti en 1988 et énorme succès populaire du cinéma français, avec 6 nominations aux Césars, le César de la meilleure musique et du meilleur son, le Grand Prix de la réalisation audiovisuelle de la SACEM et un nouveau disque d’or pour l’album qui sort en 1988 chez Virgin. Fait étonnant, le distributeur américain modifia complètement le travail d’Eric Serra et le fit remplacer par une nouvelle partition écrite par Bill Conti pour la version U.S. du film. Malgré quelques déconvenues – la critique reçoit mal le film au début, et le plongeur apnéiste italien Enzo Maiorca, dont le rôle est tenu dans le film par Jean Reno, attaquera Besson en diffamation pour l’image de son personnage qu’il trouve négative à l’écran – « Le Grand Bleu » reste encore aujourd’hui l’oeuvre de référence dans le duo Besson/Serra et constitue le travail le plus abouti des deux hommes, tant au niveau cinématographique que musical. Deux ans plus tard, les compères rempilent sur le thriller « Nikita » (1990) avec Anne Parillaud et Jean-Hugues Anglade, qui connaît à son tour un certain succès et permet à la comédienne de décrocher le César de la meilleure actrice. L’année suivante, Serra signe la musique du documentaire « Atlantis » de Luc Besson qui évoque les profondeurs sous-marines et la faune des plus grands océans du monde. En 1994, Serra signe sa septième partition pour un film de Besson avec « Léon ». Le film met en scène un impressionnant casting international autour de Jean Reno, Gary Oldman, Samy Naceri ou Danny Aiello et révèle au cinéma la jeune Nathalie Portman, à peine âgée de 13 ans quand elle tourne dans « Léon ». Le film reste l’une des plus grandes réussites du duo et continue encore aujourd’hui à être régulièrement cité comme un opus majeur de la filmographie des deux hommes. Fort du succès de « Léon » au cinéma, Besson peut enfin s’intéresser à son projet de science-fiction auquel il travaille depuis des années, une adaptation de « Valérian et Laureline », célèbre bande dessinée de Jean-Claude Mézières, mais le projet n’aboutit pas, faute de financement, et sera remanié sous la forme d’un nouveau film, une superproduction internationale nommée « Le Cinquième Elément », avec une production française mais un casting quasi exclusivement américain – c’est l’un des plus chers tourné en Europe à l’époque - Le film sort en 1997 et divise fortement les critiques, mais il permet à Eric Serra d’écrire l’une des partitions les plus débridées et les plus extravagantes de toute sa filmographie avec Luc Besson.

Entre temps, Eric Serra participe à la musique de sa toute première production hollywoodienne et non des moindres : « GoldenEye », réalisé par Martin Campbell en 1995. Cet épisode clé de la franchise des James Bond est le premier film à mettre en scène Pierce Brosnan dans le rôle de 007. Après le refus de John Barry de faire la musique du film, Eric Serra est choisi pour livrer une composition musicale plus moderne, plus dans l’ère du temps, mais le résultat est fortement critiqué et déçoit une partie du public, certains estimant que Serra a raté l’occasion d’écrire une vraie musique de James Bond. Le compositeur John Altman sera même amené à écrire un nouveau morceau pour la scène de l’attaque du tank dans les rues de Saint-Pétersbourg. Altman livrera ainsi les morceaux orchestraux du film aux côtés de David Arch tandis que Serra se limitera à son style électronique moderne habituel. En 1998, Serra livre son premier album pop rock intitulé « RXRA ». En 1999, nouvelle collaboration avec Luc Besson sur « Jeanne d’Arc » avec Milla Jovovich. Besson s’attaque à un monument de l’Histoire de France – le projet devait être initialement confié à Kathryn Bigelow – Quand à Eric Serra, il signe l’une des premières grandes partitions symphoniques/chorales de sa carrière, enregistrée avec le prestigieux Orchestre symphonique de Londres et les choeurs des Metro Voices.

Le début des années 2000 est plus particulier pour Eric Serra. Le compositeur décide alors de varier ses projets et s’attaque désormais au registre de la comédie : il signe en 2001 la musique de « L’Art (délicat) de la séduction » de Richard Berry, compose le score de « Wasabi » de Gérard Krawczyk, où Serra croise à nouveau la route de Jean Reno, qu’il retrouve ensuite sur « Décalage horaire » de Danièle Thompson en 2002. La même année, Serra compose pour son deuxième film américain, « Rollerball » de John McTiernan. Hélas, ce remake du « Rollerball » de Norman Jewison (réalisé en 1975) est un échec monumental. Le film est remonté plusieurs fois, le scénario est réécrit maladroitement, sa sortie en salles est repoussée à plusieurs reprises et le métrage subit des coupes drastiques qui dénaturent complètement le récit. La musique originale du musicien électro BT (Brian Transeau) est remplacée dans l’urgence par celle d’Eric Serra, qui doit tout composer dans un laps de temps très court. Sa partition électronique sera d’ailleurs très mal reçue, un comble pour le compositeur qui avait déjà été vivement critique pour son travail sur son précédent film américain « GoldenEye », ce qui n’empêche pas Serra de continuer sa carrière américaine avec « Bulletproof Monk » en 2003 et « Bandidas » en 2006. 2006 marque les retrouvailles entre Luc Besson et Eric Serra, sept ans après « Jeanne d’Arc » sur le film d’animation « Arthur et les Minimoys ». Le compositeur signe une nouvelle partition symphonique ample, mélodique et majestueuse, ce qui l’amène à composer les scores des deux autres épisodes en 2009 puis 2010, sans oublier « Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec », autre film que tourne Besson en 2010. En 2011, Besson renouvelle sa collaboration avec Eric Serra sur « The Lady », drame historique inspiré de l’histoire vraie d’Aung San Suu Kyi et son combat contre la junte en Birmanie dans les années 80/90. En 2014, le duo triomphe sur « Lucy », film d’action explosif avec Scarlett Johansson et Morgan Freeman, gros succès du cinéma français. Pourtant, le film est un nanar abrutissant et certains critiques reprochent à Besson de s’être massivement inspiré d’une fameuse légende urbaine – l’être humain n’utiliserait soi-disant qu’à peine 10% de son cerveau -

Qu’on apprécie ou non son style souvent très décrié mais pourtant si reconnaissable, difficile de passer sous silence l’apport incommensurable d’Eric Serra dans le cinéma français des années 80/90, auteur de musiques de film mémorables de la toile française, bien que sa carrière américaine ait été plus irrégulière et frustrante jusqu’à présent. On a souvent reproché au musicien d’être trop limité dans sa technique de compositeur – il reste un autodidacte qui appris son métier sur le tas – et de trop s’appuyer sur ses collaborateurs ou ses orchestrateurs pour certaines de ses partitions symphoniques, mais le résultat est pourtant là : Eric Serra est un musicien incontournable en France et l’une des valeurs sûres du cinéma, qui a su construire une collaboration remarquablement tenace avec Luc Besson.