Graeme Revell
Graeme Revell est un compositeur assez atypique à Hollywood. Ce musicien néo-zélandais, né le 23 octobre 1955 à Auckland en Nouvelle-Zélande, étudia dans sa jeunesse le piano et le cor, avant d’obtenir son diplôme à l’Université d’Auckland en économie et science politique. La carrière de musicien de Graeme Revell débuta vraiment en 1978 lorsqu’il fonda à Sydney le groupe de musique industrielle SPK avec la collaboration de Neil Hill, alors que les deux hommes travaillaient tous deux dans un hôpital psychiatrique. SPK sortira son premier album, « Slogun » en 1979. En 1980, Dominik Guerin rejoignit le groupe et Graeme Revell, claviériste et percussionniste du groupe, enregistra avec son frère Ash et Dominik Guerin un second album, « Information Overload Unit » en 1981 à Londres, durant les émeutes de Brixton. En 1982, Sinan Leong rejoignit à son tour SPK et devint la femme de Graeme Revell. Mais en 1984, Neil Hill se suicide deux jours après le décès de son épouse qui souffrait d’anorexie. Le groupe va continuer son travail jusqu’en 1990, mais c’est en 1989 que Graeme Revell se voit offrir l’opportunité de composer de la musique pour le cinéma avec le thriller « Dead Calm » de l’australien Phillip Noyce. La musique du film est alors en grande partie basée sur le single « In Flagrante Delicto » (1986) de SPK, une musique atypique et expérimentale à base de souffles de voix et de vocalises de sopranos, qui permettra à Revell de gagner son premier Australian Film Industry Award.

Après le succès de « Dead Calm », Graeme Revell se voit ouvrir les portes d’Hollywood, en travaillant dans un premier temps sur des productions horrifiques modestes, incluant « Spontaneous Combustion » de Tobe Hooper (1990), « Child’s Play 2 » (sur lequel il est assisté de Shirley Walker aux orchestrations), « Deadly » d’Esben Storm en 1991 et « The People Under The Stairs » de Wes Craven (1991), co-composé avec Don Peake. Revell reste fidèle à l’Australie en signant la musique de « Till There Was You » la même année, réalisé par John Seale avec Mark Harmon et Deborah Kara Unger. Revell se voit même offrir l’opportunité de travailler avec le prestigieux réalisateur allemand Wim Wenders sur « Until the End of the World » en 1991, road movie franco-allemand avec William Hurt, Solveig Dommartin, Sam Neill et Max von Sydow. En 1992, Revell signe la musique du thriller « The Hand That Rocks the Cradle » qui l’impose comme un compositeur de musique à suspense. Le musicien se diversifie et maîtrise aussi bien l’écriture orchestrale classique que les musiques électroniques plus modernes et expérimentales. Ses musiques au cinéma lui permettent dans un premier temps d’expérimenter dans la continuité de ses travaux pour SPK, bien que les studios hollywoodiens réclament très souvent des musiques plus conventionnelles, plus sages, nécessitant l’apport d’orchestrateurs.

Entre 1992 et 1993, Graeme Revell multiplie les thrillers et les séries-B à suspense de manière effrénée : « Love Crimes », le drame « Traces of Red », le controversé « Boxing Helana », le sulfureux « Body of Evidence » avec Madonna, le sombre « Hear No Evil » ou le nanar « The Crush », avec Alicia Silverstone dans le rôle d’une ado manipulatrice au comportement obsessionnel. 1993 marquera les retrouvailles entre Graeme Revell et Wim Wenders sur « Faraway, So Close ! », mais c’est la même année que le compositeur saisit sa chance d’écrire la musique d’une grosse production hollywoodienne, « Hard Target », premier film américain de John Woo avec Jean-Claude Van Damme. Dès lors, Revell quitte quelque peu le registre des films indépendants et des séries-B horrifiques/à suspense et se voit confier la musique de films aux budgets plus importants : il compose ainsi « No Escape » en 1994, partition orchestrale étonnamment classique mélangeant des expérimentations ethniques à partir d’enregistrements effectués par le compositeur en Nouvelle-Guinée en 1987. La même année, Revell fait la musique de « The Crow » d’Alex Proyas, véritable film culte des années 90 et titre-clé dans sa filmographie. Sa partition, baroque, ténébreuse, mystérieuse, mélancolique, envoûtante et tribale est l’un de ses principaux titres de gloire, une musique très particulière qui marquera durablement la musique de film des années 90/2000 et influencera bon nombre de compositeurs à venir.

Curieusement, le milieu des années 90 voient aussi le compositeur se tourner vers des projets d’une qualité plus que douteuse. Toujours en 1994, Revell compose la musique du nanar « Street Fighter » avec Jean-Claude Van Damme. Délaissant son approche électronique/expérimentale habituelle, Revell est contraint d’écrire une partition symphonique plus classique d’esprit. Après « Tank Girl » et « The Basketball Diaries », l’année 1995 marque le retour de Revell sur un autre nanar d’action/aventure, « Mighty Morphin Power Rangers : The Movie ». Le compositeur livre une nouvelle partition orchestrale très soignée et richement orchestrée - aux dires de Revell lui-même, le musicien aurait choisi de faire ce film à cause de ses enfants ! – Autre film culte pour Revell en 1995 : « Strange Days » de Kathryn Bigelow. Le film, jugé trop violent et dérangeant, est un échec en salles et la musique de Revell tombe dans l’oubli, mais le film est réévalué au fil des années et devient un métrage culte des années 90. En 1996, Graeme Revell croise la route de Robert Rodriguez qui décide de l’engager pour écrire les quelques minutes de musique originale sur « From Dusk Till Dawn », autre film culte des années 90, où George Clooney fait équipe avec Quentin Tarantino dans un bar rempli de vampires déchaînés. Revell profite de l’occasion pour pasticher le « Requiem Polonais » de Penderecki dans une écriture chorale et orchestrale apocalyptique à souhait.

« The Craft » (1996) permet au compositeur de revenir à un style plus sombre, plus expérimental et abstrait, suivi du film d’action « Fled » et de la suite de « The Crow » en 1996. En 1997, Revell signe un des meilleurs scores de sa carrière pour « The Saint », film d’action inspiré de la série TV éponyme de 1962 avec Val Kilmer dans le rôle de Simon Templar, et qui marque les retrouvailles entre Graeme Revell et Phillip Noyce huit ans après « Dead Calm ». Le compositeur livre ici une nouvelle partition orchestrale massive, épique et inspirée, d’une puissance rarement égalée dans la suite de sa carrière. Le succès du film est tel que Revell devient alors un spécialiste des musiques d’action à la fin des années 90 : on lui confie alors les compositions pour « The Big Hit » (1998), « Phoenix » (1998) et l’indispensable « The Negotiator » (1998), autre partition mémorable de Graeme Revell dans laquelle le musicien mélange adroitement l’orchestre, les choeurs et les synthétiseurs modernes. Après le nanar horrifique « Bride of Chucky » en 1998, Revell remplace James Horner sur le controversé « The Siege » d’Edward Zwick, mais sa partition atmosphérique et sombre n’est pas à la hauteur des attentes. En 1999, c’est l’inverse : Revell voit sa partition rejetée pour « Eaters of the Dead » de Michael Crichton. Le projet tombe à l’eau et se voit renommé « The 13th Warrior », confié finalement à John McTiernan, tandis que Jerry Goldsmith remplace ici Graeme Revell. En 2000, le musicien signe la musique du thriller d’épouvante « Pitch Black », marquant sa première collaboration à un film réalisé par David Twohy. Toujours la même année, il compose la musique de son premier film d’animation, « Titan A.E. », métrage ambitieux de Don Bluth et Gary Goldman qui connaîtra malheureusement un échec cuisant au cinéma.

Revell compose une autre partition majeure pour le film de science-fiction « Red Planet » d’Antony Hoffman (avec Val Kilmer et Carrie-Anne Moss). Le film est à nouveau un échec au cinéma mais la musique splendide et inventive de Revell sera saluée par les critiques, incluant de très belles vocalises de la chanteuse française Emma Shapplin, spécialiste des voix lyriques noé-classiques. Hélas, la suite de la carrière de Graeme Revell déçoit contre toute attente. En 2001, le compositeur signe dans l’urgence la musique du blockbuster « Lara Croft : Tomb Raider » de Simon West, après le départ de Michael Kamen. Revell n’eut qu’à peine 2 semaines pour boucler toute la musique du film et livrera un travail assez médiocre et peu inspiré (même l’album publié par Elektra Entertainment sera bâclé, obligeant par la suite le compositeur à s’excuser publiquement à travers son site web !). Dès lors, Revell a bien du mal à sortir des gros films d’action et des blockbusters sur lesquels il ne semble plus inspiré. « Collateral Damage » (2002) est un travail très décevant et fait à la va-vite, « Daredevil » (2003) est un score routinier et sans surprise, « Freddy vs Jason » (2003) est une musique horrifique comme on en a entendu des milliers auparavant à Hollywood, etc. Seuls les excellents « Below » (2002) et le jazzy « Out of Time » (2003) parviennent à tirer leur épingle du jeu. Graeme Revell retrouve David Twohy après « Pitch Black » et « Below » sur « The Chronicles of Riddick » en 2004, l’un des derniers scores ambitieux du compositeur, écrit pour un grand orchestre, des choeurs et des éléments électroniques modernes.

Après cela, Revell se verra confier des séries-B ou des films peu mémorables, hormis peut être l’excellent « Sin City » co-réalisé en 2005 par Frank Miller, Robert Rodriguez et Quentin Tarantino, qu’il signe aux côtés de John Debney et Robert Rodriguez. Hélas, Revell retombe dans un style horrifique plat et anonyme dans « The Fog » (2005) et signe une musique électronique fastidieuse et prévisible pour « Aeon Flux » (2005) avec Charlize Theron. « Bordertown », « Man of the Year » et « Marigold » (2006) ne convaincront guère plus, hormis peut être le sympathique « Grindhouse : Planet Terror », pour lequel Revell retrouve Robert Rodriguez dans cet hommage aux musiques de films d’horreur synthétiques des années 80. Vers la fin des années 2000, Revell semble se désintéresser du cinéma et annonce qu’il souhaite désormais se consacrer à l’écriture d’un roman sur lequel il travaille depuis plusieurs années. Son dernier score en date reste « Riddick », nouvelle collaboration avec David Twohy sur le troisième épisode de la franchise à succès avec Vin Diesel, mais pour lequel Revell signe un score totalement insignifiant et peu inspiré. Rappelons quand même que Graeme Revell a su diversifier ses activités puisqu’il composera aussi quelques musiques pour la télévision – son travail le plus prestigieux restant celui pour la minisérie « Frank Herbert’s Dune » en 2000 – incluant la série TV « Gotham » qui débuta en 2014, sans oublier deux participations à des jeux vidéos : « Call of Duty 2 » et « Call of Duty 2 : Big Red One » en 2005. Ne manquez pas, pour finir, l’interview exclusive de Graeme Revell dans la section « interviews » !
Sa discographie

Dead Calm (1989)
Child's Play 2 (1990)
The Hand That Rocks The Cradle (1991)
The People Under The Stairs (1991)
Body of Evidence (1993)
Boxing Helena (1993)
The Crush (1993)
Ghost in the Machine (1993)
Hard Target (1993)
The Crow (1994)
No Escape (1994)
Street Fighter (1994)
Mighty Morphin' Power Rangers: The Movie (1995)
Strange Days (1995)
The Craft (1996)
The Crow: City of Angels (1996)
Fled (1996)
Chinese Box (1997)
The Saint (1997)
The Big Hit (1998)
Bride of Chucky (1998)
The Negotiator (1998)
Phoenix (1998)
The Siege (1998)
Bats (1999)
The Insider (1999)
Three To Tango (1999)
Pitch Black (2000)
Red Planet (2000)
Titan A.E. (2000)
Don't Say a Word (2001)
Frank Herbert's Dune (2001)
Human Nature (2001)
Lara Croft: Tomb Raider (2001)
Below (2002)
Collateral Damage (2002)
Daredevil (2003)
Freddy Vs. Jason (2003)
Open Water (2003)
Out of Time (2003)
The Chronicles of Riddick (2004)
The Adventures of Sharkboy & Lavagirl in 3-D (2005)
Aeon Flux (2005)
Assault on Precinct 13 (2005)
The Fog (2005)
Sin City (2005)
Grindhouse : Planet Terror (2007)
Street Kings (2008)
Shark Night 3D (2011)