Alan Silvestri
Alan Silvestri est l’un des géants de la musique de film hollywoodienne. Ce compositeur célèbre pour ses musiques d’action martiales des années 80/90 et sa collaboration régulière aux films de Robert Zemeckis est devenu le symbole même d’un certain style de musique symphonique classique du cinéma américain. Alan Silvestri est né le 26 mars 1950 à New York. Le jeune Silvestri a grandi à Teaneck dans le New Jersey, où ses grands-parents d’origine italienne se sont installés en 1908. Durant sa jeunesse, Silvestri a étudié au Conservatoire de musique de Berklee pendant deux ans, période durant laquelle il fut batteur pour un groupe de rock originaire de Teaneck, nommé « The Herd ». C’est en 1972, à seulement 21 ans, que Silvestri se voit offrir l’opportunité d’écrire sa toute première musique de film pour « The Doberman Gang » réalisé par Byron Chudnow, un heist movie mettant en scène un gangster élevant six dobermans pour attaquer et piller des banques. Doucement mais sûrement, Silvestri continue sur sa lancée en signant la musique de « Las Vegas Lady » de Noel Nosseck en 1975, « The Amazing Dobermans » (1976) avec Fred Astaire, troisième volet de la trilogie « Doberman » (le deuxième film étant « The Daring Dobermans » sorti en 1973, mis en musique par Robert O. Ragland) et le drame hospitalier « The Fifth Floor » (1978) d’Howard Avedis. A la fin des années 70, Silvestri se tourne alors vers la télévision et signe les musiques de quelques épisodes de « Starsky & Hutch » entre 1978 et 1979. Mais c’est sa participation à la série « CHiPs » (entre 1978 et 1983) qui restera son travail le plus connu pour la télévision américaine – Silvestri composera tout de même les musiques des 109 épisodes sur les 139 de la série complète ! –
C’est en 1983 qu’Alan Silvestri fait une rencontre décisive qui va changer la suite de sa carrière. Le compositeur fait la connaissance de Robert Zemeckis et signe la musique de son premier film, « Romancing the Stone », son premier film produit par un grand studio, la 20th Century Fox, en 1984. La même année, le réalisateur français Philippe Clair fait appel à Silvestri pour écrire la musique de la comédie délirante « Par où t’es rentré ? On t’a pas vu sortir » avec Jerry Lewis, Philippe Clair et Marthe Villalonga. C’est la première fois de toute la carrière d’Alan Silvestri que le compositeur signera la musique d’un film français. En 1985, Silvestri croise la route de Steven Spielberg qui lui confie la musique de « Fandango », comédie dramatique signée Kevin Reynolds. Hélas, la musique de Silvestri est partiellement utilisée dans le film, remplacée par des musiques préexistantes, tandis que Spielberg semblera se désintéresser du film de Reynolds qu’il jugera décevant. Après cela, il signera l’anecdotique score de « Cat’s Eye » réalisé par Lewis Teague, pour lequel Silvestri livre un score entièrement synthétique et peu intéressant. En revanche, 1985 est une année phare pour Silvestri. C’est grâce à sa rencontre avec Spielberg sur « Fandango » et celle de Zemeckis sur « Romancing the Stone » que le compositeur livre sa première partition majeure de sa carrière, l’une de ses musiques de film les plus emblématiques : « Back to the Future ». Obligé de réécrire une partie de sa musique durant le remontage du film pendant la post-production, Silvestri livre finalement une musique culte pour un film non moins culte qui symbolise plus que jamais la culture cinématographique américaine des années 80 dans toute sa splendeur.
Dès lors, la carrière d’Alan Silvestri au cinéma est lancée pour de bon. Après quelques films moins intéressants comme la comédie « Summer Rental » (1985) ou le film d’aventure « The Clan of the Cave Bear » (1986), qui est un échec au cinéma, Silvestri enchaîne les musiques synthétiques typiques de son style musical qu’il développa pendant une bonne partie des années 80. « The Delta Force » (1986) marque d’ailleurs le passage du compositeur chez la Cannon, au détour d’un score synthétique kitsch et typiquement 80’s pour le film d’action revanchard de Menahem Golan. Silvestri tente de renouveler avec les musiques orchestrales dans le drame sportif « American Anthem » en 1986 mais il faudra finalement attendre 1987 pour que Silvestri livre enfin l’un des chef-d’œuvres de sa carrière, sa partition tribale et monstrueuse pour « Predator » de John McTiernan. Oeuvre-clé de la filmographie d’Alan Silvestri, « Predator » reste à ce jour la musique de film emblématique du cinéma d’action des années 80 et un véritable modèle du genre, rarement égalée, très populaire auprès des cinéphiles et des amateurs de musiques de film (le score sera réédité à 3 reprises en CD !).
En 1988, Silvestri retrouve Robert Zemeckis 3 ans après « Back to the Future » sur le superbe « Who Framed Roger Rabbit », un autre film majeur dans la filmo des deux hommes, et une véritable révolution technologique pour l’époque, dans ce film qui mélange personnages animées et prises de vues réelles (nous ne sommes encore qu’en 1988 !), le tout à nouveau produit par Spielberg, avec le soutien de Disney via leur filiale Touchstone Pictures. Choisissant ses projets de manière parfois hasardeuse, Alan Silvestri enchaîne juste après ce film avec le nanar fauché « Mac and Me » de Stewart Raffill, pour lequel il livre une très belle partition orchestrale pour un film ridicule qui copie allègrement le « E.T. » de Spielberg. Les comédies « My Stepmother Is An Alien » et « She’s Out of Control » (1989) tombent là aussi rapidement dans l’oubli, mais c’est quand même en 1989 que Silvestri livre une partition majeure de sa carrière : une musique ample, sombre, mystérieuse et féerique pour « The Abyss », son unique participation à un film de James Cameron, et une autre oeuvre unanimement saluée par les critiques et le public béophile. Silvestri compose la même année la musique de « Back to the Future Part II » où il retrouve Robert Zemeckis pour la quatrième fois sur ce deuxième épisode de cette indispensable trilogie à succès.
Silvestri débute l’année 1990 en signant la musique du dernier épisode de la trilogie de Zemeckis, « Back to the Future Part III ». Le film est globalement considéré comme le moins des trois mais la musique de Silvestri, empruntant ses accents aux musiques de western traditionnel, est à nouveau saluée par les critiques. A ce sujet, ce n’est certainement pas un hasard si le réalisateur Geoff Murphy fait appel au compositeur pour écrire la musique du western « Young Guns II » en 1990, avec Emilio Estevez, Kiefer Sutherland, Lou Diamond Phillips et Christian Slater. La même année, Silvestri signe une autre partition majeure de sa carrière sur le redoutable et puissant « Predator 2 » de Stephen Hopkins. Le compositeur va encore plus loin que sur le film de McTiernan de 87 et livre une composition apocalyptique, mystique, tribale et sauvage, d’une puissance rarement égalée au cinéma, allant même jusqu’à expérimenter autour des sons – Silvestri inventera même le « hoose-on » pour l’occasion, une embouchure de basson collée à l’extrémité d’un tuyau d’arrosage, et qui produit des sons insolites et primitifs – Variant les projets à loisir, Silvestri s’essaie alors à tous les styles au début des années 90. Son succès est tel qu’il peut désormais choisir ses projets en fonction de ses envies : thriller avec « Shattered » et « Ricochet » (avec un score assez proche de « Predator » dans son écriture rythmique et harmonique), comédie avec « Soapdish », « Dutch » et « Father of the Bride » (1991), film d’animation avec « FernGully : The Last Rainforest », film fantastique avec le « Death Becomes Her » de Robert Zemeckis (1992) et un film culte des années 90, « The Bodyguard », qui marque sa première collaboration à un film de Mick Jackson avant « Clean Slate » (1994) et « Volcano » (1997).
Silvestri retrouve Stephen Hopkins sur deux autres films : le thriller urbain « Judgment Night » avec Emilio Estevez (1993) et le polar explosif « Blown Away » (1994) avec Tommy Lee Jones et Jeff Bridges. Le compositeur signe un score très apprécié pour le nanar « Super Mario Bros » en 1993, adaptation foireuse d’un jeu vidéo cultissime de Nintendo, avant de connaître un grand succès sur le « Forrest Gump » de Robert Zemeckis en 1994, pour lequel le musicien est nominé aux Oscars de la meilleure musique de film en 1995 (c’est le « Lion King » d’Hans Zimmer qui gagnera l’Oscar cette année-là). Silvestri livre une nouvelle partition western mémorable pour « The Quick and the Dead » de Sam Raimi en 1995 et signe un autre chef-d’oeuvre pour « Judge Dredd » avec Sylvester Stallone, qui cimente son style martial belliqueux et cuivré aisément reconnaissable et indissociable de la personnalité musicale d’Alan Silvestri au cinéma. Le compositeur oscille alors entre comédies et films d’action vers la fin des années 90 : d’un côté, « Father of the Bride Part II », « Grumpy Old Men », « Sgt. Bilko », « Holy Man », « The Parent Trap », « The Odd Couple II » ou « Richie Rich », de l’autre « Eraser » (qui marque ses retrouvailles avec Schwarzenegger 9 ans après « Predator »), « The Long Kiss Goodnight » ou « Volcano », sans oublier une nouvelle collaboration avec Robert Zemeckis sur « Contact » en 1997.
Alan Silvestri maintient le cap au début des années 2000 et livre un score ténébreux et mystérieux de qualité pour « What Lies Beneath » de Zemeckis, thriller inspiré d’Hitchcock. La même année, Silvestri compose aussi le score minimaliste pour le drame « Cast Away » de son complice Zemeckis avec un Tom Hanks bouleversant et inoubliable. Mais sa partition la plus mémorable de l’époque, il la compose pour « The Mummy Returns » de Stephen Sommers en 2001, véritable chef-d’oeuvre d’aventure, un score épique et héroïque d’une puissance incroyable. Silvestri se tourne même du côté de Disney en signant la musique de « Lilo & Stitch » en 2002 et continue d’alterne comédies et films d’action/à suspense plus sombres. En 2003, le compositeur remplace Craig Armstrong sur « Lara Croft Tomb Raider : The Cradle of Life » de Jan de Bont et livre un score d’action électro-orchestral survitaminé et énergique, mais qui peine à renouer avec la fougue de ses musiques d’aventure martiales des années 90. Qu’à cela ne tienne, Stephen Sommers fait de nouveau appel à lui sur le démesuré « Van Helsing » en 2004, autre score d’action épique, héroïque et belliqueux signé Alan Silvestri. Robert Zemeckis fait appel à lui sur le film d’animation « The Polar Express » en 2004, « Beowulf » en 2007 et « A Christmas Carol » en 2009. Les années 2010 permettent à Silvestri de rejoindre les productions de super-héros de chez Marvel en signant les musiques de « Captain America : The First Avenger » en 2001 et « The Avengers » en 2012.
En 2017, Silvestri est plus que jamais au sommet de sa carrière mais semble opérer un changement radical dans sa carrière de compositeur au cinéma depuis qu’il s’occupe de son vignoble nommé « Silvestri Vineyards », qu’il a fondé avec sa femme Sandra à Carmel Valley en Californie. Poursuivant désormais une double carrière de musicien pour le cinéma et de viticulteur, Silvestri n’a pas fini de nous surprendre et a encore bien des choses à dire. Avec le « Ready Player One » de Spielberg et « Avengers Infinity War » tous deux annoncés en 2018, Alan Silvestri a du pain sur la planche et n’a pas fini de nous émouvoir et de nous transporter. A 67 ans, Silvestri reste donc l’un des plus grands vétérans de la musique de film américaine de la génération des années 80, défenseur d’une musique de film emprunte de traditions et de classicisme, au style musical aisément reconnaissable (notamment dans ses musiques d’action orchestrales très typées), à la fois riche et généreux, souvent considéré comme un véritable modèle par les autres compositeurs du cinéma.